Tuesday, November 18, 2008

V - Allah ma'ak ya Hajj et bon vent.




















La quinquagénaire était fortement maquillée et ses traits lourds de femme mûre qui en a vu d’autres, gardaient malgré l’irreparable outrage des ans, les vestiges encore visibles d’une ancienne beauté.

Sur l’écran TV, elle disait la bonne aventure et battait les cartes du tarot, assaillie de toute part par les pressantes sollicitudes téléphoniques des midinettes désœuvrées du monde Arabe, dans le cadre d’une émission à succès diffusée sur une de ces innombrables chaines câblées qui nous parviennent du Golfe.

Tout cela n’aurait rien eu d’extraordinaire si la femme en question n’arborait élégamment du chef un superbe voile (Hijab) tout ce qu’il y a de plus conforme à la Charia’ a, et dont la couleur jaune canari contrastait le plus heureusement du monde avec sa peau mate de fille du désert.

Loin de moi que de me prétendre expert en doctrine Islamique ; cependant, il est chose aisée que de relever, tant dans le Coran que dans le, ‘’Hadith’’ de nombreux passages qui signalent sans ambigüité la voyance et les pratiques divinatoires comme étant parmi les pires abominations qu’un croyant peut commettre, et qui offensent le créateur dans l’essence même de sa divinité; la chose allant jusqu’à considérer l’argent même du devin comme étant (Haraâm) et interdit au croyant, parce que gagné à partir de pratiques hérétiques et blasphématoires.

Comment donc, et par quelle Fatoua savante, ces érudits de Muftis bédouins ont-ils pu concilier entre des contraires tels l’Islam et le Hijab avec l’astrologie et les tarots ? Bien malin est celui qui me l’expliquera !

J’en toucherais deux mots à mon cher Abou Ragheb à la première occasion, histoire de le faire enrager un bout.

Mais ces occasions se font hélas rares ces jours-ci ; non point que je sombre dans la paresse ou que j’aie cessé d’être amoureux fou de ma Méditerranée, mais parce que les vicissitudes de la vie ont tellement érodé de mon temps libre qu’il m’est devenu présentement difficile de glaner sur mon itinéraire quotidien, les quelques 4 à 5 heures nécessaires pour l’aller-retour de mon pèlerinage vers la mer.

C’est donc à contrecœur et pour préserver quelque peu de forme physique, que je me suis résolu à me rendre au club sportif de mon vieil ami Aboul’Mich, qui offre l’avantage d’être à deux pas de chez moi, ce qui m’économise facilement 2 heures quotidiennes.

C’est pourtant un club agréable et fort bien tenu qu’est celui de Micho qui à toujours été un méticuleux ; sans compter que le fait d’être réduit à m’y rendre tôt le matin, m’offrait l’indéniable avantage d’être pratiquement le seul mâle à bord parmi toutes les bobonnes oisives de la région, qui constituaient la majorité écrasante de la clientèle matinale.

Dans les premiers temps, je m’étais laissé progressivement gagner par le ronron feutré du tapis roulant bien huilé, de la musique douce discrètement diffusée , de l’air climatisé parfumé à l’essence de pin et de la revigorante douche Ecossaise qui venait toujours bien à propos récompenser la fatigue d’une bonne séance d’effort soutenu.

Aussi par l’embarras du choix offert par ces chaleureuses et accueillantes ménopausées, toutes plus avenantes les unes que les autres, et qui ne demandaient pas mieux que de se faire pétrir la cellulite par un mâle providentiel pendant que leurs maris émoussés par des décennies de paradis conjugal, s’évertuaient à se suicider au boulot ou dans les bras d’une maitresse imprudemment trop jeune.

Mais bien vite pointa le jour où la nostalgie de l’ancienne équipée sauvage et solitaire, baignée de sueur, de soleil et de sel marin me rattrapa.

Les rues de Beyrouth me manquaient, sa splendeur, sa crasse, ses ultraviolets, et l’éternelle Méditerranée. Je délaissais donc en ce clair matin de Mai, les quatre murs du havre hygiénique et climatisé d’Aboul’Mich, chaussais mes anciennes espadrilles et pris le large.

Liberté.

* * * *

Il m’est devenu pratiquement impossible de passer par Ain-el-Mraïsseh près de la zone ravagée et toujours énigmatiquement scellée, de l’hôtel Saint Georges au seuil duquel, Rafic Hariri en mourut le 14 Février 2005 pour l’avoir tant convoité de son vivant, sans que ne me revienne à l’esprit l’analyse extraordinairement troublante écrite parTrish Schuh à ce sujet et intitulée : The Salvador option in Beirut.

Beaucoup d’eau à coulé sous les ponts depuis le départ du « grand bienfaiteur » qui nous as endettés jusqu’aux sourcils pour plusieurs générations à venir, quintuplant du même coup sa fortune personnelle, au détriment des malheureux propriétaires du centre ville dont il a usurpé les séculaires biens familiaux, dans la plus abjecte et la plus sauvage des arnaques légalisée que l’histoire du Liban ait jamais connu.

Aujourd’hui, le coryphée du 14 Brumaire change sensiblement de ton, et la cote de la vérité sur la mort de Hariri [cette maudite Hakika qui nous as coûtés les yeux de la tête] semble être à la baisse depuis quelque temps, au profit d’une campagne plus urgente orchestrée par leurs Maîtres et dont l’objectif n’est pas moins que le renversement à tout prix du régime de Damas. (Ledit prix étant comme d’habitude payable exclusivement par les Libanais).

Mais à qui appartient-elle donc cette main Libanaise criminelle – toujours la même – qui servit jadis de cheval de Troie aux Palestiniens, puis de laquais-cireur pour la botte Syrienne et qui opère aujourd’hui en toute impunité, en tant qu’agent infiltré pour le compte du Mossad ?

Qui est donc ce Nosferatu hideux, mi-vampire mi-caméléon qui s’évertue à ruiner tout espoir d’entente nationale et dont la survie dépend de l’entretien de la discorde entre les Libanais et de leur sang versé ?

* * * *

Au kiosque d’Abou Ragheb, un jeune boutonneux m’accueillit.

‘ Le Hajj est parti la semaine dernière pour l’Australie ‘ m’expliqua-t-il. ‘ Je suis Moussa son neveu pour vous servir ‘.

A mes pressantes questions il expliqua :

‘ Vous savez, ça fait déjà un bon bout de temps que les fils du Hajj : Ragheb, Taleb, Abbas et Zeinab vivent là-bas, ils ont la nationalité ; ici il ne restait plus que le Hajj, la Hajjé et leurs deux petits derniers, Ali et Fatma ; alors le Hajj à fini par céder aux instances de ses fils qui le réclamaient et de sa femme qui pleurait jour et nuit ici, et à décidé de les rejoindre’.

Je sentis soudain monter en moi une immense lassitude.

Tout en préparant mon café le blanc-bec continuait à pérorer mais je ne l’entendais plus.

Inconsciemment, je m’assis bien loin de Mon banc habituel.

Ainsi donc ya Hajj, tu es réduit à rouler tes cheveux blancs, ta bonté, ta bonhomie et ta tolérance de libanais authentique chez les Aborigènes, les immigrés et les kangourous ; et finir tes jours à l’autre bout du monde, là où les femmes commandent aux hommes, se baladent aux trois quarts nues, mangent du porc, boivent des boissons fermentées et se trémoussent aux sons du hip-hop ?

Alors que tous les salopards restent ici, et bien plus solidement incrustés que l’ennui !

Kiss Oukht Hal’ Hayat!

NON !

Kiss Oukht Hal’ Balad !

Et mon café avait le goût de la cigüe.

Ibrahim Tyan.

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